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Le point sur les dernières réformes des études de santé en France

Le point sur les dernières réformes des études de santé en France
Par Gérard Friedlander
15.12.2020

Pourquoi réformer en profondeur les études de santé ? C’est l’accumulation de griefs, justifiés ou non, qui a abouti à ce vaste chantier concernant aujourd’hui les 3 cycles des études. Pour plus de clarté, on donnera ici les grandes lignes de la réforme de chacun des 3 cycles après avoir examiné les espoirs et les illusions sur lesquels ont été fondées ces évolutions.

Réforme du premier cycle R1C

La réforme de l’entrée en études de santé : les raisons et des verbatim.

Voici des propos récurrents entendus au cours des dernières années

  • L’entrée en médecine est une barbarie : comment tolérer qu’à l’issue d’un concours en fin de première année (PACES) 70% des étudiants soient laissés, après deux années (redoublement) sur le carreau sans voie de recours ?
  • Pourquoi ne sélectionner qu’un seul type d’étudiants (baccalauréat S avec mention TB) alors que les métiers de la santé sont divers ?
  • Pourquoi avoir fait de la filière pharmaceutique une filière de dépit pour les recalés de la médecine ?
  • Pourquoi conserver un numerus clausus alors qu’on manque de médecins en France ? D’ailleurs, on importe des médecins de l’étranger….
  • Comment introduire de la diversité dans les profils d’étudiants ?

Par touches successives et expérimentations – dont on n’a pas pris le temps de faire le bilan – un nouveau dispositif a été mis en place pour la rentrée universitaire 2020. Il repose sur deux éléments : Parcoursup et le système PASS/LAS :

Parcoursup est le système national qui permet l’orientation des bacheliers vers une filière universitaire en tenant compte de trois facteurs : i) les performances des lycéens (davantage que les notes au baccalauréat) ; ii) les souhaits formulés par les futurs étudiants ; iii) les capacités d’accueil des universités filière par filière. Un algorithme fait le reste. Sans parler de « sélection » (taboue) à l’entrée de l’université, on comprend bien que Parcoursup est un système de « filtrage » ou « d’orientation ». Pour ce qui est des études de santé, il permet de respecter, même grossièrement, les capacités d’accueil des filières santé des universités (médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, filières paramédicales).

La PASS (parcours accès santé spécifique) remplace la PACES. C’est la voie d’accès directe aux études de santé. Cette voie ne prévoit pas de redoublement ; en cas d’échec, une « dérivation » vers des licences avec mineure santé (licence accès santé ou LAS) peut permettre une réentrée en fin de licence vers les filières santé. Il est aussi possible pour un étudiant d’opter d’emblée pour une LAS si il ou elle ne se sent pas prête pour des études très contraignantes après le bac.

Restent plusieurs questions :

  • Combien formera-t-on d’étudiants en santé par ce nouveau système maintenant que le Numerus clausus est officiellement supprimé ? Pour ce qui est de la médecine, on devrait passer progressivement d’environ 8 500 étudiants par an à 10 000.
  • Comment l’ouverture de cette filière à des étudiants moins scientifiques modifiera-t-elle la typologie des futurs médecins ?

Réforme du deuxième cycle R2C

Les raisons et des verbatim

  • Au cours du 2ème cycle, les étudiants ne sont pas suffisamment évalués sur leur savoir-faire (acquisition des compétences) et trop sur leur savoir (connaissances).
  • Les stages hospitaliers ne sont pas évalués avec rigueur mais souvent « à la tête du client » ou seulement sur l’assiduité.
  • La 3ème année du cycle (DFASM3) est « sacrifiée » sur l’autel du bachotage pour la préparation des épreuves classantes nationales (ECN).

Trois éléments nouveaux seront progressivement déployés au cours des trois prochaines années :

  • L’évaluation des connaissances (ECN) :
    • Les ECN informatisées (ECNi), mises en place il y a moins de cinq ans (« véritable prouesse technique » et gouffre financier) seront supprimées en 2023 ou 2024 au profit d’une autre formule appelée EDN…. Qui seront néanmoins encore un examen (il y a autant de places que de candidats) classant (il y aura les premiers et les derniers…et ce classement conditionnera le choix des spécialités/régions) et national. Une pondération régionale serait à l’étude.
    • Cet examen se déroulera au DEBUT de la 6ème année, avec un programme amputé d’un tiers. Cela permettrait des stages de meilleure qualité après cet examen.
  • L’évaluation des compétences : les compétences seront évaluées par un examen clinique objectif et structuré (ECOS) organisé dans chaque UFR de médecine. Le portfolio de l’étudiant comportera une liste des items d’acquisition impérative.
  • Les performances de l’étudiant au cours du 2ème cycle (examens, stages) serviront à orienter l’étudiant vers la spécialité la plus adaptée à lui (procédure dite du « matching »).

Au total, un 2ème cycle raccourci, amputé d’un tiers en termes de corpus de connaissances à acquérir…. Ce qui explique que le degré de préparation à la sortie de ce cycle pour exercer des responsabilités médicales soit jugé (par les étudiants eux-mêmes) insuffisant à en faire des médecins autonomes.

Réforme du troisième cycle R3C

C’est la partie de la réforme qui a été mise en place en premier. Plusieurs éléments saillants.

  • Un seul diplôme d’études spécialisées (DES) nécessaire et suffisant pour la qualification et l’exercice de la spécialité (suppression à terme des diplômes d’études spécialisées complémentaires (DESC) et de la majorité des Capacités)
  • Filiarisation de l’ensemble des spécialités et simplification du dispositif (44 DES, contre 40 DES et 32 DESC auparavant)
  • Maquettes de formation des spécialités axées sur l’acquisition progressive des compétences de chaque métier
    • Phase socle – Phase d’approfondissement – Phase de consolidation (« docteur Junior »)
    • Options / formations spécialisées transversales (FST) (surspécialités) : compétences complémentaires exercées dans la spécialité d’origine
  • Accompagnement pédagogique renforcé, individualisé et collégial
  • Contrat de formation – PND (e-learning, e-carnet, e-portfolio, évaluation)
  • Changement notoire : la thèse et la validation du DES interviennent désormais à des moments différents. La thèse doit être soutenue à l’issue de cette deuxième phase, alors que le DES est délivré lorsque les trois phases sont validées.
  • A noter que la durée du 3ème cycle dépend de la spécialité, de 3 ans (pour l’instant…) en médecine générale jusqu’à 6 ans dans les spécialités chirurgicales ou interventionnelles.

La R3C n’est pas encore arrivée au bout du premier parcours complet, c’est dire que son évaluation ne sera pas possible avant plusieurs années. On peut déjà néanmoins tirer quelques enseignements : le souhait des internes (étudiants de 3ème cycle) d’être davantage encadrés… voire déresponsabilisés ; la crainte de l’exercice « en solitaire » qui persiste bien au-delà de la fin des études.

En conclusion

Cette très ambitieuse et très chronophage mise en œuvre de la réforme des études de santé (réforme menée, cela va sans dire, à moyens constants) permettra-t-elle de relever les défis majeurs de l’offre de soin aujourd’hui en France ?

  • Les jeunes médecins seront-ils mieux formés, donc plus performants à l’avenir ?
  • L’introduction du « matching » ira-t-elle vers une plus grande efficacité/équité du processus ?
  • Pourrons-nous mieux lutter contre les déserts médicaux qui s’aggravent, y compris dans les métropoles ?
  • Comment valoriser au mieux cette ressource médicale alors même que la sacro-sainte liberté d’installation n’est pas remise en cause ?
  • Quel sera, in fine, l’impact de cette réforme sur les dépenses de santé ?
  • Formera-t-on des professionnels de santé qui sauront mieux apprendre tout au long de leur carrière et intégrer ainsi les projets de la connaissance à leur pratique ?

Des réponses à ces questions dépend l’évaluation de la portée de cette réforme dont les véritables effets, comme tout changement relatif aux études de santé, ne seront susceptibles d’être évalués qu’après l’accomplissement d’un cursus complet par au moins deux ou trois générations, soit au minimum une dizaine d’année.

Par Gérard Friedlander
15.12.2020