Actualités & publications

Secondaire & accès au supérieur

4 min

4 min

Espagne : explorer le défaut d’efficacité du système d’enseignement supérieur

Espagne : explorer le défaut d’efficacité du système d’enseignement supérieur
Par Samia Boudjelloul
19.06.2023

L’Espagne enregistre un taux d’accès des jeunes à l’enseignement supérieur particulièrement élevé : en 2017, selon une étude Paxter, 86,7 % des 18-22 ans étaient inscrits dans le supérieur. Pourtant, seuls 42,6 % des 25-34 étaient, cette même année, titulaires d’un diplôme de niveau CITE 5 à 8 (supérieur). Cet écart de 44 points, qui est l’un des plus élevés d’Europe, révèle un préoccupant manque d’efficacité du système d’enseignement supérieur espagnol. 

Ce très large accès aux études supérieures est surprenant si l’on considère le double système de sélection qui est à l’œuvre dans le pays, à la fois par les filières du secondaire et à l’entrée à l’université. Il convient de souligner que la branche universitaire du supérieur (entendue au sens large, c’est-à-dire comprenant les études artistiques supérieures) concentre près de 8 étudiants sur 10 en Espagne, soit une écrasante majorité des effectifs.

En effet, seuls les diplômés d’un second cycle secondaire général (Bachillerato) sont habilités à candidater directement pour un premier cycle supérieur – des passerelles existant, pour les autres filières secondaires, après l’obtention d’un diplôme supérieur de cycle court, dans la filière professionnelle. Les titulaires du titre de bachelier qui souhaitent s’inscrire en premier cycle universitaire (grado) sont ensuite soumis à un processus de sélection qui comporte plusieurs étapes. Les candidats doivent tout d’abord passer l’épreuve de la Selectividad, un examen désormais dénommé EBAU (evaluación de bachillerato para el acceso a la universidad). S’ensuit le calcul de la note pour l’accès aux études universitaires (calificación para el acceso a la universidad), qui prend en compte la note moyenne obtenue à l’EBAU ainsi que la note moyenne du contrôle continu en Bachillerato. Enfin, une note d’admission (calificación de admisión) est calculée pour chaque cursus, les coefficients à appliquer aux deux épreuves de l’EBAU jugées les plus déterminantes pour la formation visée étant fixés par chaque université et pour chaque programme. Ce sont ensuite les institutions qui attribuent les places de grado, en fonction du classement des candidats. 

Est-ce à dire que ce système de filtrage relativement sophistiqué est assez largement inefficient ? On pourrait le croire à première vue, au regard des taux d’abandon très élevés en première année de grado : un élève sur trois en 2015-2016 (30,3 %), dont seulement 8,6 % de cas de changement de cursus et près de 22 % d’abandons purs et simples ! Il faut toutefois affiner la focale pour mieux appréhender le problème. En effet, la réussite des étudiants est directement liée à leur note d’admission : seuls 7,6 % des entrants avec une note d’admission comprise entre 12 et 14 abandonnaient en cours de première année, contre 28,3 % pour ceux dont la note était égale ou très légèrement supérieure à la note plancher (5 à 5,5 !) Le constat est le même si l’on prend pour indicateur le ratio crédits validés / nombre moyen de crédits auxquels les étudiants se sont inscrits : 30 points séparent la catégorie des étudiants reçus avec une note comprise entre 12 et 14 (92,5 % de crédits validés) et ceux admis de justesse (62,7 %). 

En résumé, l’architecture du modèle espagnol de sélection des étudiants est intéressante à explorer, de par le juste équilibre qu’elle établit entre des épreuves uniques et la prise en compte du contrôle continu dans le secondaire, pondérée par une dimension disciplinaire. Ce qui semble devoir être ajusté réside dans le seuil d’admission des candidats, la note minimale requise ne semblant pas correspondre au niveau exigé des étudiants en première année. Une hypothèse d’ordre politique peut être avancée pour expliquer la permanence dans le temps de cette situation sous-optimale : dans un pays où le chômage des jeunes est très élevé (38 % en 2017), les pouvoirs publics choisiraient d’abaisser considérablement les niveaux d’admission pour donner un statut valorisant, pour quelques années, à une part significative de jeunes qui sinon seraient comptabilisés comme NEETs (not in education, employment or training).

Lisez l'Essentiel Paxter consacré à la question : "L'enseignement supérieur en Espagne"
Par Samia Boudjelloul
19.06.2023