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L'école des maîtres. Attirer et préparer de bons professeurs des écoles

L'école des maîtres. Attirer et préparer de bons professeurs des écoles
Par Samia Boudjelloul & Pierre Tapie
18.09.2023

La question des postes d’enseignants non pourvus dans les écoles primaires se pose à nouveau en cette rentrée 2023. À une époque où l’on sait que les jeunes recherchent des métiers qui ont du sens, la faible appétence pour un métier si essentiel manifeste un défaut dans la manière de penser ensemble attractivité et formation.

À la suite d’une énième réforme, le nombre de candidats s’étant présentés au concours externe de recrutement de professeur des écoles a chuté de 53, 4% entre les sessions 2020 et 2022, laissant 1741 postes non pourvus par cette voie à la rentrée 2022, soit 1/5e des postes ouverts. Les chiffres de la session 2023 repartent un peu à la hausse, mais dans des proportions toutes relatives, puisque 15% des postes restent vacants. Confronté à cette pénurie de candidats, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse est contraint de recourir de plus en plus systématiquement, dans un certain nombre d’académies, à des contractuels non formés. Le niveau de qualification de ces personnels figure en bonne place parmi les nombreuses inquiétudes que soulève cette voie de recrutement par défaut, avec des contractuels pouvant être embauchés au niveau licence au lieu de l’être, comme les professeurs des écoles, au niveau master. Posé en ces termes, le débat ne se trompe-t-il pas d’enjeu ?

Recrutement par défaut

Il convient tout d’abord de prendre du recul par rapport au taux d’occupation des postes par des titulaires : est-il aussi alarmant que la couverture médiatique du sujet le laisse penser ? Plusieurs éléments sont à prendre en compte. Premièrement, la situation est très variable d’une académie à l’autre. La pénurie de candidats a certes été dramatique dans les académies de Créteil et de Versailles où, respectivement, 39% et à peine 30% des postes ouverts au concours externe avaient été pourvus par cette voie à la rentrée 2022, et reste préoccupante en 2023, avec plus de quatre postes ouverts sur dix restant vacants à l’issue du concours externe (respectivement, 44% et 40%). Or ces deux académies représentent, sur les dernières années, environ un tiers du total des postes offerts sur le territoire. Elle l’est plus encore en Guyane (37% de postes pourvus seulement en 2023), pour un nombre absolu de postes évidemment bien plus modeste et réelle à Paris (près de 72%). Le problème est donc de taille, mais ne doit pas masquer une forte polarisation des territoires. Les autres académies ont en effet soit enregistré une très faible part de postes non pourvus, soit fait le plein, avec des taux d’admission parfois supérieurs à 100% (Bordeaux, Corse, Guadeloupe, Martinique, Montpellier, Rennes, Strasbourg et Toulouse). Deuxièmement, il est important de mettre en regard les flux et les stocks : les 4606 contractuels en poste en 2021-2022 représentaient 1, 3% du total des enseignants du premier degré – et sans doute quelques décimales de plus en 2022-2023. L’augmentation est réelle depuis 2015-2016, année où les non-titulaires comptaient pour 0, 4% du total du corps du premier degré (1419 contractuels) mais, et bien que cette moyenne cache de fortes disparités entre les académies, le phénomène reste néanmoins maîtrisé. L’idée de pénurie historique est donc à nuancer au regard du nombre total d’enseignants. Ce qui n’équivaut pas à dire que la situation est purement conjoncturelle. Loin s’en faut.

Tout d’abord, la session 2023 invite à repousser la principale grille de lecture avancée l’année précédente par le ministère, qui donnait cette crise pour passagère. 2022 marquait certes la transition entre deux régimes, le moment de passage des épreuves du concours ayant été déplacé du M1 au M2 à partir de cette session. Par conséquent, le vivier « naturel » de candidats disparaissait cette année-là, puisque les étudiants inscrits en deuxième année de master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation en 2022 avaient a priori déjà passé le concours en 2021. Or, en 2023, la remontée de cinq points seulement du taux de postes pourvus pour la voie du concours externe confirme bien les messages d’alerte qui se sont multipliés au cours des dernières années : la profession est confrontée à une crise d’attractivité réelle et structurelle.

Mais surtout, une plongée au cœur de cette question jusqu’au premier tiers du XIXe siècle, lorsque l’éducation primaire devient une affaire d’État, met en lumière de manière spectaculaire le caractère chronique de cette problématique de recrutement. En effet, deux siècles se sont écoulés depuis la création des premières écoles normales, destinées à la formation des instituteurs laïcs – deux siècles au cours desquels le nombre de personnes formées pour l’enseignement dans le premier degré n’a le plus souvent pas permis de pourvoir la totalité des postes. Qui l’imaginerait aujourd’hui ? Ce fut le cas sur les deux dernières décennies du xixe siècle, soit après la proclamation des grandes lois Ferry, à une période que la mémoire collective a retenue comme l’âge d’or des « hussards noirs de la République » (Charles Péguy). Entre 1881 et 1897, le flux sortant des écoles normales ne pourvoit en moyenne pas plus de 50 à 60% des postes, obligeant les inspecteurs d’académie à nommer en tant qu’enseignants-remplaçants des brevetés élémentaires sans formation professionnelle, alors que pour être titularisé, un instituteur doit posséder le brevet supérieur (épreuves passées en fin de troisième année des écoles normales). La France s’émeut alors du « péril primaire » qui plane sur sa jeunesse. Les ratios demeurant sensiblement les mêmes au cours des décennies suivantes, cette dérogation reste légale jusqu’en 1932… La résonance avec l’époque actuelle est intéressante. Mais, plus proche dans le temps, cet état de tension a aussi caractérisé l’essentiel de la période allant du début des années 1950 au milieu des années 1980, au cours de laquelle le corps des enseignants du primaire a doublé. La réponse à cette croissance exponentielle des besoins a en effet été comblée par des recrutements plus nombreux, au moins sur les quinze premières années de la période, parmi les remplaçants plutôt que parmi le vivier des normaliens. L’existence d’une voie de recrutement par défaut est donc plutôt la règle sur le temps long, et les volumes en jeu aujourd’hui sont infiniment modestes par rapport à d’autres périodes de notre histoire. Est-ce à dire qu’il n’y a rien de nouveau dans la France de 2022 ? Pas tout à fait, si l’on s’intéresse aux causes de la nécessité du recours à une voie parallèle.

Alors que l’ampleur des difficultés de recrutement de la deuxième moitié du XXe siècle s’expliquaient principalement par une croissance spectaculaire de la demande, l’une des nouveautés tient à l’apparition d’un phénomène de démission des enseignants (premier et second degré confondus) – mouvement observé, il convient de le rappeler, dans les trois fonctions publiques, sans évoquer le phénomène plus large de la « grande démission ». Au sein de l’Éducation nationale, les départs volontaires s’envolent depuis quelques années, favorisés par le droit nouvellement acquis par les professeurs (2019-2020) de demander une rupture conventionnelle : ils sont passés de 364 en 2008-2009 (démissions) à 2286 (démissions et ruptures conventionnelles) en 2020-2021. De plus, sur le nombre de fonctionnaires démissionnaires cette année-là, alors que la part des stagiaires était en recul à moins d’un tiers (30, 3%), plus de la moitié (51, 1%) étaient titularisés depuis cinq ans ou plus. Il est utile ici de convoquer le rapport de la Cour des comptes de février 2023 sur la formation initiale et le recrutement des enseignants des premier et second degrés, qui souligne le défaut de cohérence entre le recrutement et la formation qu’a engendré la mastérisation et le fait que, dans le système bouleversé que le processus a instauré, il ne s’agit plus d’étapes successives mais d’expériences superposées. Au final, on a assisté au cours des dernières années à une inversion de la dynamique : le corps des enseignants du premier degré (titulaires et assimilés) se rétracte désormais, tandis que le nombre des contractuels augmente – même si les évolutions, en valeurs relatives, demeurent modérées.

Un déficit d’attractivité

Au-delà de ce mouvement très récent de contraction du corps des professeurs des écoles, la prise de recul historique permet d’identifier, parallèlement aux moments de tension liés à l’explosion de la demande, la récurrence d’une crise de l’offre de candidats. La profession souffre en effet d’un déficit chronique, car structurel, d’attractivité, auquel l’État n’a pas su apporter de réponse satisfaisante. Loin de chercher à se donner les moyens de poser l’équation dans les bons termes, les pouvoirs publics se sont au contraire enfermés dans une spirale se limitant à relever toujours davantage le niveau minimal de recrutement au cours du temps. En 1971, les futurs enseignants sont pour la première fois recrutés après l’obtention du baccalauréat, et non plus du brevet d’études du premier cycle du second degré. En 2019, cinq décennies plus tard, le recrutement en est arrivé, par réformes successives sur la période, à se situer post-M2 ! Trois observations s’imposent.

Premièrement, chaque étape d’élévation du niveau de formation minimal requis a été suivie d’un recul voire d’un effondrement du nombre de candidats présentés au concours, sauf quand cet allongement de la durée de la formation théorique (non rémunérée) est allé de pair avec une augmentation de salaire. Ce fut le cas avec la réforme Jospin de 1989, qui a consisté à élever le niveau du recrutement à la licence pour permettre d’instaurer la parité statutaire entre les nouveaux professeurs des écoles et les professeurs du secondaire.

Deuxièmement, s’il existe chaque fois un effet choc, passager, on observe que la dynamique de récupération s’est émoussée au cours du temps, à mesure que la barrière d’entrée a été élevée. Ainsi, la « digestion » du passage du recrutement au cours de l’année de M1, à partir du concours 2011, n’a jamais permis une récupération totale du nombre de candidats présentés, resté 30 à 40% inférieur aux années 2000 – et ce malgré une forte augmentation du nombre de postes offerts, en 2015 et les années suivantes par rapport à celles ayant précédé la réforme. Faut-il s’en étonner ? Puisque cette réforme ne s’est pas accompagnée d’une revalorisation de la rémunération des professeurs des écoles, elle a de fait appauvri les jeunes enseignants en les faisant entrer plus tard dans un métier rémunéré ! Plus d’un siècle en arrière, les mêmes causes avaient déjà produit les mêmes effets. 1888 : pour se présenter au concours d’entrée des écoles normales, les candidats doivent pour la première fois être titulaires du brevet élémentaire – jusqu’alors passé à la fin de la première année de formation. Résultat : le nombre de candidats s’effondre, surtout pour les écoles normales de garçons, et ne se rétablira pas par la suite pour ces dernières, contrairement aux écoles normales de filles. Consultés, les recteurs de l’époque estiment que d’autres raisons entrent en ligne de compte, la principale étant que la loi de du 19 juillet 1889 n’a pas donné aux instituteurs les améliorations de revenu qu’ils attendaient depuis longtemps…

Troisièmement, le taux de réussite au concours (admis/présents) a fait un bond spectaculaire avec la mastérisation. Entre 1994 et 2010 (recrutement à bac+3), il a oscillé entre 15 et 23% (25% en 1994). Depuis 2013 (en 2011 et 2012, un nombre exceptionnellement bas de postes sont offerts pour négocier la transition), le taux de réussite n’a jamais été inférieur à 31%. En 2022, il a atteint un record historique, avec près de 47% de candidats admis ! Dans certaines académies (Créteil, Dijon, Paris, Reims), il a même dépassé les 70%. Or, dans la mesure où ce bond en avant s’inscrit dans les mêmes ordres de grandeur que celui du ratio moyen postes offerts/candidats présents entre les deux périodes, il semble peu probable que la progression du taux de réussite soit le reflet de la progression du niveau des candidats, mais bien un effet de la chute de leur nombre. L’élévation des exigences au nom de la qualité de l’enseignement a donc paradoxalement conduit à diminuer le niveau de sélectivité de la profession.

Les choix des pouvoirs publics ont ainsi progressivement conduit à l’impasse actuelle : la profession, rémunérée pour un professeur débutant à peine au-dessus du salaire minimum (avec une amélioration annoncée en 2022 pour la rentrée 2023), se trouve en concurrence avec tout l’éventail des postes auxquels peuvent prétendre des diplômés à bac+5. Si l’on va jusqu’à un master, pourquoi choisir ce métier peu rémunérateur ? Ce n’est pas un hasard si ce sont les académies franciliennes, là où le coût de la vie – et surtout du logement – est le plus élevé, et là où les autres opportunités sont les plus nombreuses, qui peinent le plus à faire le plein. Bien entendu, l’attractivité ne se réduit pas à la question du salaire. Elle recouvre tout un faisceau de critères, dont plusieurs sont également défavorables à la profession : conditions d’exercice du métier souvent difficiles (les académies ne présentant pas toutes le même profil), étroitesse des perspectives d’évolution, grippe du dispositif des mutations, déclassement du métier sur l’échelle de la reconnaissance sociale… De fait, on a commencé à observer un fléchissement du nombre de candidats au concours de recrutement de professeur des écoles dès 2005, soit quelques années avant la mastérisation. Et il est à cet égard significatif que, d’une part, le secteur privé, pour une même rémunération, parvienne à pourvoir la totalité de ses postes dans les académies de Versailles et de Créteil (105% en 2021) et que, d’autre part, même les pays européens qui paient comparativement (beaucoup) mieux leurs enseignants soient aussi confrontés à de réelles difficultés de recrutement.

Il faut souligner que le problème engendré n’est pas uniquement quantitatif, mais aussi qualitatif. Les filières de sciences littéraires, humaines et sociales étant globalement moins professionnalisantes que les cursus scientifiques, dont les diplômés s’insèrent plus facilement sur le marché du travail, l’immense majorité des candidats est à l’heure actuelle issue des premières. Or un schéma dans lequel le recrutement intervient plusieurs années après l’arrêt de l’étude des disciplines scientifiques a évidemment des conséquences sur l’aptitude moyenne du corps professoral à les enseigner ; ce biais est sans doute un facteur explicatif mal assumé de la baisse des résultats français en mathématiques aux tests TIMSS ou PISA.

La réflexion sur le niveau de formation des professeurs des écoles n’a donc pas assez intégré la dimension de l’attractivité comparée de ce métier par rapport aux autres auxquels peuvent prétendre les jeunes, à un niveau d’études et dans un champ disciplinaire donnés. Oublier qu’en allongeant la durée des études, on impose des contraintes qui vont faire fuir de nombreux candidats vers d’autres horizons et créer des « biais collatéraux », est l’erreur d’une réflexion insuffisamment systémique. Pour attirer et former de bons professeurs des écoles, il faut anticiper sur la réaction de jeunes adultes libres qui auront le choix entre plusieurs avenirs, et notamment de jeunes femmes qualifiées pour lesquelles l’enseignement, qui s’est féminisé de manière spectaculaire au cours du xxe siècle, ne constitue plus autant un débouché privilégié. Et donc leur faire une proposition séduisante, à des moments où les questions sur leur orientation sont permanentes. Alors, si l’on inversait la question ? Si l’on s’interrogeait sans a priori sur le « bon » niveau de recrutement et de formation des professeurs des écoles, afin de maximiser les chances de recruter de « bons » enseignants ?

Pistes de réflexion

Pour être pertinentes, les pistes de réflexion doivent croiser plusieurs impératifs, tout en les distinguant clairement : susciter des vocations ; attirer des profils diversifiés ; interroger le niveau de formation librement, en s’affranchissant notamment des interprétations trop rigides du cadre licence-master-doctorat (LMD), et dissocier fortement le moment du recrutement par l’État de celui de l’entrée en fonction.

La récente création de contrats de préprofessionnalisation de futurs enseignants du premier degré s’adressant à des jeunes en L2, L3 et M1, laquelle peut se cumuler avec les bourses sur minima sociaux, a été une bonne idée. Ce dispositif serait d’autant plus intéressant s’il intégrait la préoccupation de la diversité des disciplines académiques suivies par les étudiants, en imposant qu’une proportion significative soit issue des sciences exactes. L’État, recruteur, peut instaurer ces exigences. Il a aussi les moyens de renforcer l’attractivité vers les filières scientifiques, notamment par une politique volontariste de bourses.

Mais surtout, on se rend compte qu’ouvrir le recrutement de professeur des écoles à des profils n’ayant « que » le niveau licence – soit le niveau considéré comme « normal » jusqu’en 2010, rappelons-le – n’est pas une mauvaise idée du tout. Une proposition plus radicale consisterait même à réinstituer un recrutement au niveau du bac, suivi d’une licence Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation en trois ans qui délivrerait des enseignements renforcés dans les disciplines principales d’enseignement de ces futurs professeurs : grammaire, orthographe, mathématiques, histoire, géographie, langues… et techniques pédagogiques. Elles pourraient s’apparenter aux programmes des classes préparatoires aux grandes écoles « économique et commercial option économique » ou hypokhâgnes B/L (lettres et sciences sociales), avec des contenus pluridisciplinaires très riches en eux-mêmes1, et qui constituent des marqueurs de qualité et d’attractivité pour les étudiants.

Un métier pratiqué trois ans seulement après l’obtention du Bac pourrait ainsi attirer des jeunes pressés d’entrer dans la vie active et permettre d’élargir la base sociale qui sert de vivier à la profession. Il est étonnant que ces faits ne soient pas plus souvent rappelés, mais dans cette histoire longue marquée par les difficultés chroniques de recrutement précédemment évoquées, on a parfois su redonner de l’attractivité à ce métier. Ce fut le cas, pour la période récente, des deux décennies qui se sont écoulées entre la création du corps des professeurs des écoles (réforme Jospin déjà mentionnée) entre 1989-1990 et celle de la mastérisation de la profession, décidée en 2010 et renforcée en 2019. Des ingrédients cohérents et efficaces : concours passé au niveau licence et suivi d’une année de formation professionnelle au sein des instituts universitaires de formation des maîtres sous le statut de fonctionnaire-stagiaire (rémunéré), salaire revu à la hausse et création d’allocations de soutien à la préparation de la licence et du concours dans les académies déficitaires en candidats, ont produit des résultats non discutables : 100% de postes pourvus à chaque session et, partant, pas d’enseignants non formés parachutés devant des classes, et un niveau de sélectivité raisonnable, bien qu’en baisse sur la fin de la période – les admis au concours de recrutement de professeur des écoles n’ayant jamais dépassé le quart des candidats présentés.  

Revenir sur la mastérisation exigerait de modifier le statut de la fonction publique, pour que puissent être recrutés au sein de l’Éducation nationale des cadres de catégorie A n’ayant « que » le niveau licence : de bons enseignants du premier degré vaudraient bien cette exception ! Si on ne veut pas toucher à ce statut, on pourrait faire réaliser à ces jeunes ainsi qu’aux contractuels recrutés un master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation par la formation continue, voire la validation des acquis de l’expérience – ou, comme avait commencé à l’évoquer le ministre Pap Ndiaye, opter pour l’acquisition d’un master après l’admission au concours, dans le cadre d’instituts spécifiquement dédiés à la formation des professeurs des écoles. En effet, oublier la puissance des signes de reconnaissance symbolique est une erreur. Hier, on donnait à des jeunes, à un âge précoce, le signal de ce qu’ils méritaient intellectuellement de rentrer dans une école sélective, l’école des maîtres – sans pour autant les rémunérer au cours de leur formation théorique. Pour revaloriser ce choix d’orientation, il apparaît essentiel que le recrutement pour la préparation de ce métier redevienne antérieur à l’entrée en fonctions des fonctionnaires-stagiaires. Par ailleurs, des jeunes de 21 ans préfèrent très certainement percevoir 2000 euros par mois dès 21 ans pendant quatre ans (catégorie B), pour passer à 2500 € à 25 ans (catégorie A), plutôt que de toucher 2500 euros à partir de 23 ans seulement (catégorie A).

La société gagnerait toutefois à déconstruire l’idée selon laquelle on n’est pas sérieusement formé en-deçà du niveau master… vaste sujet qui mériterait un développement spécifique.

Si l’on se donne la peine de la relire, l’histoire nous enseigne que pour recruter les enseignants du premier degré que le pays mérite, il faut trouver l’équilibre entre niveau de formation minimal requis, attractivité auprès des candidats et couverture des besoins. À une époque où l’on sait que les jeunes recherchent des métiers qui ont du sens, la baisse d’appétence pour le concours de recrutement de professeur des écoles, qui conduit à un métier si essentiel de nos équilibres sociaux, manifeste que, de toute évidence, il y a eu défaut de réflexion systémique dans la manière de penser ensemble attractivité et formation.

 

Notes

1. Le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE), mis en place à la rentrée 2021, a fait un tout premier pas en ce sens, mais de manière très insuffisante.

Par Samia Boudjelloul & Pierre Tapie
18.09.2023